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drais de distraire un moment l’attention de mes lecteurs sur un sujet étranger.

Comme la plupart des monuments analogues, le calvaire de Guimiliau fait corps avec le cimetière paroissial[1]. Les blêmes draperies d’un matin de janvier nous le montrèrent couché dans une brume fantômale et tout frissonnant encore de la froide veillée nocturne qu’il venait de traverser : le granit des statues était tacheté d’efflorescences blanchâtres, cette lèpre des vieilles pierres qui ne respecte pas le kersanton lui-même, le plus fin pourtant et le plus « serré » des granits armoricains. On eût dit qu’il avait neigé de place en place sur les pauvres statues. Le kersanton est la pierre la plus communément employée par les sculpteurs de la Bretagne. On l’extrait des carrières fameuses de Logona-Daoulas, près de Brest. Cambry déjà, au commencement du siècle, vantait ce beau granitello noir, quartz et hornblend mêlés, semblable au granit statuaire des Égyptiens. C’est en kersanton, aujourd’hui encore, que se font tous les monuments artistiques de Bretagne, comme ce magnifique calvaire que la piété des Bretons vient d’ériger à Lourdes et qui est sorti des ateliers du

  1. Signalons à la commission des monuments historiques la façon par trop rudimentaire dont on a restauré la croix principale : on lui a refait un fût neuf et trop voyant ; mais ce fût a été si mal posé que la lourde masse qui le surplombe penche ostensiblement et menace de tomber. Hélas, dans ces restaurations hâtives de calvaires, ce n’est pas la seule faute qui ait été commise. Que d’hérésies, de sacrilèges archéologiques, il m’eût fallu relever au passage !