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nés eux-mêmes par des croix suffisamment garnies pour meubler le vide supérieur.

J’ajouterai que le calvaire de Plougonven, quelque peu délabré par les siècles, a été très convenablement restauré lors du jubilé de 1898. Était-il nécessaire, par exemple, que la date de cette restauration fût inscrite sur le fût épineux de la croix principale ? On eût aimé comme à Guéhenno plus de discrétion. Il convient aussi de protester contre l’érection d’un grand tombeau de famille à moins d’un mètre du monument et juste en face de la porte d’entrée du cimetière. Avec sa croix massive et ses inutiles entablements, ce tombeau masque une partie du calvaire. C’est d’autant plus fâcheux que le cimetière de Plougonven est pittoresque à souhait, qu’il possède une jolie église ogivale et que, campé sur l’ourlet d’un plateau fortement déclive, on embrasse de là, comme d’un belvédère naturel, la riche vallée du Tromorgan, l’Arrhée et les premiers contreforts des Montagnes-Noires. Le soir d’hiver où je le visitai en compagnie du barde Léon Durocher, le soleil couchant dardait une oblique clarté sur le vieux calvaire, rosissait le granit et communiquait je ne sais quelle vie surnaturelle aux personnages de ces panathénées chrétiennes. Toute lourdeur s’en allait d’elles ; gravitant dans l’air ambré, elles se spiritualisaient délicieusement et atteignaient à ce degré de beauté immatérielle qui, plus qu’aucune perfection artistique, devait correspondre aux aspirations religieuses, au fervent idéalisme des imagiers de la Renaissance bretonne…