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Bretons de pure race, par besoin, se nourrissent de divagations et en nourrissent leur entourage. Comment concilier ces extravagances avec le sérieux qu’on s’accorde généralement à leur reconnaître ? Si l’homme en soi est un abîme de contradictions, qu’aurait dit Pascal du Celte de race pure ? Pour Quellien, sans doute, on ne saurait oublier qu’il était né à La Roche, le quartier général de ces stoupers nomades dont il a parlé avec une sympathie presque fraternelle et qui y ont leur ghetto dans les masures de la basse ville. Effrénés maraudeurs, ils rachètent ce manque de vergogne par une verve abondante et narquoise, mille trouvailles d’expression qui laissent leurs juges désarmés. Quellien tenait de ces pauvres hères. À bien réfléchir, ne fut-il pas lui-même une sorte de stouper partant au petit matin et passant les trois quarts de sa journée à battre le pavé de Paris autour des salles de rédaction et des cafés « littéraires » ? Battre le pavé est une recette de Mathurin Régnier pour prendre les strophes à la pipée. C’eût pu être aussi bien une recette de stouper rochois. Sans doute, comme à ces nomades de son pays, il arriva plus d’une fois à Quellien de rentrer chez lui « le bissac vide » ; mais que de fois aussi il lui arriva de rallier le gîte avec un butin merveilleux, avec des pièces comme Fiançailles, la Messe Blanche, le Chuféré, qui valaient des perles et des diamants et que notre pauvre ami, sur l’autel intérieur qu’il lui avait dressé, suspendait ensuite d’une main pieuse au cou de celle qu’il nommait sa mammik-goz Breiz’Izell, sa douce mère-grand la Bretagne !