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obsession. Cela donnait quelquefois des effets charmants, d’une grâce rare et inattendue ; cela déconcertait le plus souvent[1]. Dans ses Contes du pays de Tréguier, puisés pour beaucoup aux sources vives de la tradition populaire, on sentit moins la gêne. Il y a là des rencontres exquises, comme l’histoire du vieux Louf et du nain Rossignolic. Je ne rappelle que pour mémoire son précis d’histoire de la Bretagne armoricaine, œuvre de vulgarisation hâtive, où l’on dirait qu’il a voulu ignorer de parti pris les derniers travaux de l’érudition moderne, et cette extraordinaire Perrinaïk qu’il inventa de toutes pièces, le nom compris[2], et à la réalité de laquelle, par un phénomène d’auto-suggestion dont on trouverait plus d’un exemple chez les écrivains de race celtique, il finit par croire fermement lui-même. Tout ce qui restera de Perrinaïk, c’est une cantilène ravissante qu’on réunira quelque jour à ses autres chansons, à cette Annaïk et à ce Breiz, merveilles de la littérature élégiaque, les plus pures fleurs peut-être et les plus parfumées qui aient éclos dans une âme de barde armoricaine.

  1. J’ai été heureux de me rencontrer sur ce point avec un excellent juge, M. Édouard Beaufils, qui dans un article du goût et du tour le plus fin, paru au lendemain de la mort du pauvre barde, écrivait : « Il avait une façon de sentir et d’exprimer un peu souffreteuse et gauche, mais qui, par cette maladresse même, donnait au récit plus de poésie et de rêve. »
  2. Cf. les articles de MM. de la Borderie et Trévédy, dans le Correspondant et la Revue de Bretagne et de Vendée.