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devaient trouver leur épanouissement définitif dans les agapes du Dîner celtique. C’est vraiment où il fallait voir Quellien. Le Dîner celtique, à l’origine, n’était qu’une simple réunion de linguistes où « bretonnisaient » sous la rose d’Arbois de Jubainville, Loth, Gaidoz, Luzel, Tabbé Louis Martin, etc. Quellien l’élargit démesurément jusqu’aux proportions d’une gigantesque Table Ronde des lettres contemporaines. On y vit à la fois des Belges, des Roumains, des Espagnols, des Tchèques, un nègre ! Ce nègre du Dîner celtique fut longtemps fameux parmi nous. Il assistait aux obsèques du pauvre Quellien ; mais ce n’était pas le même. Les Bretons se sentaient bien un peu débordés dans cet afflux de nationalités étrangères. Mais enfin, pourvu qu’il y en eût là deux ou trois, Renan — l’Artur de la nouvelle Table Ronde — laissait entendre que l’honneur était sauf. C’était le plus indulgent des hommes. Il acceptait de conférer l’investiture celtique à tous les convives de bonne volonté : Henri Martin, Coppée, Theuriet, Bourget, Ledrain, Richepin, Barrès, Tellier, Vicaire, Bouchor, la reçurent ainsi tour à tour. Assesseurs ordinaires de notre illustre président, ils se prenaient les premiers au réseau de cette parole enveloppante et subtile, la plus captieuse peut-être qui soit sortie d’une lèvre humaine depuis les entretiens du Cratyle et du Banquet. Quellien avait un magnifique don d’éveilleur. Dans ce corps gourd et tassé de septuagénaire, il savait raviver d’un mot la flamme assoupie ; pour employer une expression triviale, mais juste, il « allumait» Renan. Lui-même avait d’étonnantes improvisations, une