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l’érode, la fouille et la cisèle amoureusement depuis des siècles, s’ouvre aux estuaires des fleuves bretons de larges percées qui sont les vestibules naturels, les voies royales menant au cœur du pays :

Ô Breiz Izel, ô kaera vro !
Koat enn he c’hreis, mor enn hé zro !

« Ô Bretagne, dit un poète, ô le plus beau des pays ! Bois au milieu, mer alentour ! » Ne croirait-on point à l’entendre, ce poète, qu’aucune langue de terre ne joint la Bretagne au continent ? Merveilleux socle de granit, son pays lui apparaît isolé du reste du monde. Et les premiers habitants de cette étrange contrée poussèrent encore plus loin le mépris des contingences : c’est une même chose pour eux que la Bretagne et la mer ; ils leur donnent à toutes deux le même nom maternel et puissant : Armor[1]



  1. À moins qu’Armor, nom de pays, ne veuille dire vers ou sur la mer. Ar, dans ce cas, serait pour oar. De fait on dit aujourd’hui encore : an Arvor, le [pays] vers la mer, qu’on distingue d’an Argoat, le [pays] vers les bois. Si ar était article, an serait une redondance analogue à celle qu’on observe dans certains mots français comme le lierre où l’article (l) a fini par s’agglutiner avec le substantif (ierre).