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démie accourt, établit son tribunal au lycée, chassé un certain nombre d’élèves et part, emportant avec lui les malédictions de toutes les familles… Ce sujet était riche, ajoute naïvement Souvestre. J’avais à y démasquer l’hypocrite méchanceté du censeur, la sottise orgueilleuse du proviseur, la folle vanité du professeur de philosophie, enfin l’avide rapacité de l’économe… »

On voit le ton. Ce « père Placide » que fut Souvestre a été en son temps le plus abominable gamin qu’ait rêvé Gavarni. L’homme n’est que branle et inconstance, dit Montaigne. Dans l’auteur des Étrennes du lycée de Pontivy, si les premiers linéaments de l’écrivain commencent d’apparaître, j’imagine qu’on retrouverait plus difficilement le professeur de style administratif, le soporifique chargé de cours à l’École normale de ronds-de-cuir fondé par la République de 1848, voire le moraliste à l’eau de rose qui y étaient en puissance dès cette époque. Quelle pétulance ou, pour mieux dire, quelle effronterie ! M. Eugène Lesbazeilles, dans la notice biographique qu’il a placée en tête des œuvres complètes d’Émile Souvestre, raconte que, comme son héros venait d’entrer au collège, farouche encore et sans aucune expérience de la vie, il fut victime d’une méprise et dut subir un châtiment qu’il n’avait pas mérité. « L’impression qu’il en ressentit fut d’une violence extraordinaire, dit M. Lesbazeilles ; son âme en fut toute bouleversée et ne put longtemps s’apaiser. Durant toute cette année-là, il vécut à l’écart, fuyant ses camarades qui ne s’étaient pas levés pour proclamer la vérité et qu’il