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par l’autre le troisième Réveillère qu’il sera le lendemain. C’est l’opposé d’un sceptique et pourtant il porte sur le monde un regard si aigu et si profond tout ensemble qu’il ne laisse presque rien subsister des assises de la certitude. Il est homme de doctrine et il ne fait point attention si l’expérience vient à déranger ou à contredire les idées qui lui sont les plus chères. Il a l’ingénuité, la candeur d’un phonographe. Il enregistre docilement les faits ou plutôt leurs résultats, tels qu’ils se traduisent en axiomes ou en lois dans son cerveau. On ne peut expliquer cela que par une extraordinaire soumission naturelle du sujet à son objet — et pour le coup Job baisserait pavillon devant M. Réveillère — ou par un amour de la vérité poussé jusqu’au détachement complet de soi.

M. Réveillère, en un temps où l’on imprime un peu partout que les Français sont de race latine, professe que nous sommes simplement des Mégalithiens celtisés. Entendez par là qu’il fait remonter nos origines à la grande famille qui couvrit toute l’Europe occidentale de ces immenses blocs de granit dont on n’est point arrivé à trouver la signification. Et, sans doute, cette opinion n’est point personnelle au contre-amiral. Les deux Thierry, Jean Reynaud, Edgar Quinet et Henri Martin l’avaient professée avant lui et c’est, aujourd’hui encore, l’opinion d’un homme qui ne passe point pour se payer de mots et dont le tour d’esprit ne laisse pas d’avoir quelque analogie avec celui de M. Réveillère : M. Émile Faguet pense, lui aussi, que « la France n’est nullement un pays latin, mais très nettement un peuple celtique ». Notre édu-