Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.


AU CŒUR DE LA RACE


TOTA IN ANTITHESI




À M. A. Cartault


Choisissez la voie de mer, dirais-je à qui n’aurait jamais vu la Bretagne et voudrait surprendre la belle en négligé.

La Bretagne est la terre du passé. Nulle part les mœurs n’ont gardé un parfum d’archaïsme, une noblesse et un charme surannés aussi pénétrants. Sur ce cap avancé du monde, dans le crépuscule éternel du jour, la vie est tout agitée de mystère ; les âmes sont graves et résignées et comme sous l’oppression du double infini de la mer et du ciel. Mille signes éclatent, témoignant avec évidence d’une intervention surnaturelle de tous les instants et dans la conduite des choses les plus humbles. L’homme ne s’appartient pas : il marche dans un invisible et mouvant réseau de fortes croyances ; toute sa vie est dirigée par elles.

Mais ce n’est pas seulement dans le domaine de la conscience qu’apparaît l’originalité profonde de ce pays. Elle se révèle aussi dans son sol heurté, ses bois secrets, ses prodigieux entassements de rocs, l’infini de ses landes et la pâle lumière qui met à son front comme un bandeau de gaze mourante et loin-