Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/141

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais on sait que les femmes sont assez coutumières de ces heureux paralogismes. Toujours est-il que, loin de diminuer ou de se flétrir sous l’action du plus desséchant des systèmes, sa foi dans le vrai et le bien semble s’être affermie et jusqu’à un certain point épurée du renoncement à toute idée de récompense, à toute pensée de calcul et d’intérêt. En cela, elle demeura vraiment idéaliste, conforme à l’exemplaire supérieur de sa race. Mais déjà, et à peine le lien rompu avec son milieu natal, elle avait senti la « duperie » de l’éducation catholique, en avait conçu une horreur secrète et violente. Son frère dira expressément que, quand il lui fit part des doutes qui le tourmentaient et qui lui faisaient un devoir de quitter une carrière où la foi intégrale est requise, elle en fut ravie. Le mot y est et il éclaire lamentablement le désastre de cette âme.

Ce sourd travail qui se poursuivait chez Henriette et que sa timidité naturelle et la modestie de sa condition lui faisaient un devoir de cacher à des regards soupçonneux ou prévenus, en l’obligeant à une réserve extrême lui communiqua sans doute cette raideur, cette sécheresse et cet air d’embarras que son frère a signalés chez elle et qui n’étaient qu’en surface. Une vive sensibilité continuait à saigner par-dessous. « Elle avait, nous dit-il, la religion du malheur » ; elle « cultivait chaque motif de pleurer », et, par là encore, elle se montrait profondément de cette race pour qui les larmes ont je ne sais quel douloureux attrait. L’exil l’avait seulement changée en ceci qu’elle ne faisait point état de sa sensibilité et mettait