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sait méconnaître, empêchée par sa réserve extrême de contracter ces bonnes liaisons qui consolent et soutiennent quand elles ne servent pas, elle tomba dans une nostalgie profonde qui compromit sa santé. »

L’illustre écrivain n’a pas signalé d’un trait moins expressif et moins vif l’une des conséquences les plus inattendues de cette transplantation dans un milieu étranger. « Ce qu’il y a de cruel pour le Breton, dit-il, dans ce premier moment de transplantation, c’est qu’il se croit abandonné de Dieu comme des hommes. Sa douce foi dans la moralité générale du monde, son tranquille optimisme est ébranlé. Il se croit jeté du Paradis dans un enfer de glaciale indifférence : la voix du bien et du beau lui paraît devenue sans timbre ; il s’écrie volontiers : « Comment chanter le « cantique du Seigneur sur la terre étrangère ? » On ne pouvait rendre avec plus de charme mélancolique les effets de ce singulier détachement ; mais la raison qu’y veut découvrir le grand écrivain est-elle bien la véritable et la seule ? C’est une loi qui a tour à tour été observée par les sociologues les plus divers et à des moments fort dissemblables de l’âme bretonne qu’une fois séparé de son milieu primitif le Breton cessait presque aussitôt de s’appartenir et n’opposait aucune résistance à son absorption dans un milieu étranger. L’explication qu’ils en donnent est que, chez les Celtes en général, la part de la personnalité morale est extrêmement restreinte : aucune race n’est plus sensible aux réactions de son entourage. Or c’est surtout en matière de religion que cette influence du milieu se fait puissamment sentir. Dans l’étroit