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macien. Je souffre comme un enragé ; je passe les nuits à tousser, et je me lève brisé pour me jeter sur un vieux sofa. » Malgré tout, il revenait à son traitement les années suivantes ; il changeait seulement de station, quittait Néris pour Bourbonne-les-Bains. Là les eaux lui semblaient meilleures, « plus efficaces », quoiqu’il prît ses douches à contre cœur. Il se crut guéri ; ce n’était qu’un faux espoir. Les extrémités se prirent tout à fait chez lui après 1845 ; les deux derniers billets qu’on ait de sa main sont du 1er janvier et du 28 août de cette année. Ils sont fort brefs ; tout effort lui coûtait ; son écriture avait complètement changé. « De mes grands jambages d’autrefois, je suis arrivé à ces pattes de mouche », disait-il à Mme Récamier. Lui-même n’était plus « qu’une ombre gémissante et souffrante ». On était obligé de le porter dans un fauteuil. Mme de Chateaubriand, dont la santé avait été bonne jusque-là, mourut brusquement en 1847, et cette mort fit beaucoup d’impression sur le grand écrivain, encore qu’il n’y eut entre eux que des liens d’habitude et que cette « grande femme maigre, au visage sec et marqué de petite vérole »[1]

  1. Cf. Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie. On consultera avec profit, encore qu’il se rapporte à une période un peu antérieure à celle où nous avons pris Chateaubriand, tout ce récit d’une visite de Victor Hugo à l’auteur des Martyrs : « Quand Victor entra, M. de Chateaubriand, en manches de chemise, un foulard noir sur la tête, assis à une table, tournait le dos à la porte et faisait une revue de papiers… Le domestique apporta une immense cuvette remplie d’eau ; M. de Chateaubriand dénoua son madras et se mit à ôter ses pan-