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fauteuil. Cette pièce, qui lui servait à la fois de cabinet et de chambre à coucher, était la plus simple du monde : au fond, un petit lit étroit, un lit de fer garni de rideaux blancs, un lit virginal ; sous les rideaux, un crucifix surmonté d’un rameau de buis ; sur la cheminée, où flambait un feu clair, une ébauche en plâtre de la Velléda de Maindron ; au milieu de la chambre, une grande et massive table garnie d’ornements de cuivre et tout encombrée de papiers, de livres et de journaux. Chateaubriand se souleva de son fauteuil et tendit la main à ses visiteurs. Ceux-ci, sous l’impression de leurs souvenirs, s’attendaient à quelque chose de séculaire et de monumental ». Ils aperçurent un petit vieillard, si cassé qu’il en avait déformé l’homme, la bouche contractée par un sourire énigmatique, le front énorme, tout en hauteur, mais étroit et profondément ridé. Seuls, dans cette tête glacée, deux beaux yeux candides, des yeux de Celte enfant, mettaient comme une jeunesse factice, la douceur inattendue de deux fleurs sur une ruine.

Chateaubriand, dans la conversation, se montra inquiet, mécontent, « presque un révolté sans tendresse », dit Manuel. Il répéta aux visiteurs son mot fameux : « Je suis las de la vie… Je suis las d’écrire, et qui sait si je n’ai pas beaucoup trop écrit ?… À mon âge, on ne doit plus que rêver… » Ces jeunes gens furent un peu confondus par tant de désenchantement. Ce n’était pas la première fois pourtant que Chateaubriand faisait part au public de sa lassitude et de son dégoût. Il y avait longtemps qu’il avait écrit