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nous apprend d’abord quel était le train de M. de Chateaubriand rue du Bac :

« Le personnel de sa maison, dit-il, se composait d’un cuisinier, d’un valet de chambre et de la femme de ce dernier qui servait de lingère ; il avait une voiture et louait deux chevaux au mois. Je vois encore M. le vicomte assis dans un grand fauteuil, ayant à sa gauche la cheminée où pétillait un feu clair en toute saison, car il était très frileux. À sa droite, se trouvait une table chargée de papiers, de livres, de journaux… Tout cela pêle-mêle et dans un admirable désordre… J’étais autorisé à prendre, dans le tas, les journaux qui me convenaient ; chaque jour, j’en emportais trois ou quatre, pour la plus grande satisfaction des clients de ma boutique. La bouilloire, contenant l’eau qui devait servir pour la barbe, clapotait devant l’âtre. Je rasais sur place. J’ai déjà parlé de la simplicité des goûts du grand écrivain ; la redingote qui lui servait de robe de chambre était minable : ses revers indiquaient surabondamment, à ceux qui l’ignoraient, que le premier déjeuner du porteur était le chocolat. »

On n’est pas plus perspicace. De fait, rien n’échappait à maître Adolphe. Et c’est ainsi qu’il ne manqua point de remarquer et nota soigneusement, pour l’édification des Saumaise futurs, que M. le vicomte, qui continuait de dicter tandis qu’on le rasait, mettait parfois, entre deux phrases, un intervalle de vingt minutes. Pilorge, cependant, bâillait, faisait ses ongles ou traçait des arabesques sur une feuille de papier. D’autres fois, la phrase venant d’elle-même,