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grouillant de sphinx et de chimères, et les urnes qui surmontent les angles de l’entablement, vous retrouverez au rez-de-chaussée, dans leur état primitif, les appartements qu’occupa Chateaubriand sur la fin de sa vie et dont la disposition et l’aménagement ont été pieusement respectés par la propriétaire actuelle, Mme la marquise de Saint-Chamans.

Chateaubriand avait une autre raison pour quitter l’infirmerie Marie-Thérèse. Il venait d’« hypothéquer sa tombe », suivant sa propre expression, en vendant pour un capital de deux cent cinquante mille francs et une rente annuelle de douze mille francs les Mémoires qu’il écrivait sans discontinuer depuis 1809 et qui étaient achevés depuis quelque temps. Ce capital et cette rente, avec la pension qu’il recevait de Charles X, puis du comte de Chambord, lui permettaient de refaire une certaine figure. Quoi qu’il dît, son amour-propre se satisfaisait mal de servir d’enseigne à une épicerie, même cléricale. L’hôtel de la rue du Bac lui rendait la disposition de lui-même, chose dont il était plus jaloux que de quoi que ce soit. La perpétuelle attention dont il était l’objet rue d’Enfer et les curiosités qui l’y assaillaient à tout moment le dérangeaient fort dans ses habitudes de travailleur ponctuel et méthodique. Cette ponctualité était extrême, en effet, et demeura telle jusqu’au dernier jour de sa vie. « Dans ma jeunesse, dit-il, j’ai souvent écrit douze et quinze heures sans quitter la table où j’étais assis, raturant et recomposant dix fois la même page. L’âge ne m’a rien fait perdre de cette faculté d’application. » Sitôt levé, il se mettait au tra-