Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.

forcée de vendre son bel hôtel de la rue du Mont-Blanc pour se réfugier au troisième étage d’un vaste immeuble de la rue de Sèvres, qui est occupé aujourd’hui par les religieuses de la congrégation de Notre-Dame. Chateaubriand retrouvait là Ballanche et Ampère, avec quelques autres visiteurs de passage. Il rêvait de fonder à l’Abbaye une sorte de Port-Royal des Champs. Aux grands jours, il y lisait des fragments de ses Mémoires d’outre-tombe, qui n’étaient encore que les Mémoires de ma vie et qu’il achevait dans sa retraite de la rue d’Enfer. Cette retraite, à la longue, commençait pourtant à lui peser. Dès qu’il put s’en libérer, en même temps que de la tutelle des bonnes sœurs, il n’y manqua point et, pour se rapprocher davantage de Mme Récamier, il loua, rue du Bac, les deux pavillons jumeaux qui portaient le no 112, devenu aujourd’hui le 120[1].

« Je n’ai plus qu’un sentiment, écrivait-il à Mme Récamier le 5 juillet 1838, achever ma vie auprès de vous. Je meurs de joie de nos arrangements futurs et de n’être plus qu’à dix minutes de votre porte, habitant du passé par mes souvenirs, du présent et de l’avenir avec vous ; je suis déterminé à faire du bonheur de tout, même de vos injustices. »

La maison de la rue du Bac n’a pas changé. Derrière les vantaux de sa double porte cochère, enrichis par Bernard Toro d’élégants médaillons allégoriques, ses bâtiments du XVIIIe siècle, d’un étage sur entre-sol, ses toits bas et fuyants, son fronton en ronde bosse,

  1. Il avait habité précédemment la même rue, au no 42, de 1818 à 1820.