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LA VRAIE BRETAGNE




Prenez, pour entrer en Bretagne, le chemin de la mer. J’ajouterai un autre conseil au précédent : c’est, autant que possible, de choisir l’automne pour visiter la Bretagne. Il y a de beaux jours, des ciels d’azur et des mers d’émeraude jusque dans ce pays. Ni ces ciels ni ces mers ne sont des vrais ciels, les vraies mers de la Bretagne. Un pays doit être vu dans son atmosphère à lui, non sous sa couleur d’exception. La Bretagne est grise incurablement, comme l’automne, d’un gris nuancé et argenté. Tout s’y atténue, s’y imprécise comme au travers d’une prunelle en pleurs ; ces rochers qui vous effraient, ces landes mornes, ces rares arbres ployés dans la direction du Midi et comme en déroute sous le terrible noroît, ces pierres-levées, dont la longue file sombre éveille en vous des réminiscences de catastrophe biblique, ces calvaires et ces clochers de granit rose, fleurs délicates du paysage, ces coulées d’argent mat sous la feuillée déclinante des chênes, et la mer, non plus verte ni de cet indigo criard qu’il faut laisser à la baie de Naples, mais d’un joli bleu de turquoise, d’un bleu qui mue et qui chatoie comme une gorge de colombe, tout cela, et les pauvres chaumes branlants, les vieilles en guenilles, les petites filles en jupon violet, pareilles à des infantes, et les retraités qui