Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/105

Cette page a été validée par deux contributeurs.

compter qu’à certains jours, comme la Toussaint ou la vigile de Noël, il reviendra prendre sa place sur le banc-dossier ou dans le fauteuil de chêne assujetti au coin de l’âtre ; ces jours-là, comme dit Tristan le Voyageur, il y a plus d’âmes dans chaque maison de Bretagne que de feuilles nouvelles, au printemps, sur la ramure des chênes. Aussi tient-on pour impie de balayer une maison la veille des grandes fêtes : ce serait balayer les trépassés (skuba ann anaoun). Aux environs de Lesneven on poussait le scrupule plus loin encore, d’après Cambry : jamais on n’y balayait de nuit une maison, crainte de blesser les âmes qui rôdent dans l’ombre. De leur existence terrestre elles ont gardé les besoins les plus humbles et comme un reste de sens. Et, pour réchauffer les malheureuses, on a soin d’entretenir quelques tisons dans l’âtre ; de placer une miche fraîche sur la table, pour qu’elles goûtent encore à la douceur de ce pain des vivants…