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le sel de la vie. Dès qu’un malade tombe en agonie, le glas tinte à l’église prochaine, plus ou moins précipité suivant le sexe et la qualité du moribond. Pour « l’agonie noble », par exemple, les sons s’espacent avec une solennelle lenteur de minute en minute. Pendant ce temps, à l’intérieur du logis, le plus ancien de la communauté récite les prières des agonisants ; les voisins se joignent aux membres de la famille ; on dispose le coffre en chapelle ardente et on y allume un cierge consacré le jour de la Purification et dont se munissent à tout hasard les plus pauvres convenants. Quand la mort a passé sur l’agonisant, on trace trois signes de croix avec le cierge sur son front, sur ses épaules et sur sa poitrine ; puis on éteint le cierge et on rabat sur la tête du défunt ses draps et sa couette de balle. Il faut avoir grand soin alors de tenir remplis d’eau tous les vases de la maison, afin que l’ine[1] du mort, avisant le ribot, ne s’en aille corrompre le lait sous prétexte de s’y purifier. Toute l’eau du logis est ensuite jetée et renouvelée. Les animaux, par un esprit de solidarité qui émeut, sont associés au deuil de la famille : dans les pays d’abeilles, on recouvre leurs ruches d’un drap noir ; ailleurs on fait jeûner les bœufs la veille des funérailles, quitte à leur donner double provende plus tard. Le mort, du reste, quoique sa dépouille repose en terre bénite, ne tardera pas à revenir dans la maison qui lui fut chère ; s’il n’y fait pas élection de domicile pour toute l’année, on peut

  1. Son âme.