Mab-ann-Argoat (fils des bois), avec une délicieuse pennérez de Scrignac, Mlle Jaffrennou. Longtemps contenue et d’autant plus exubérante, la gaieté bretonne, dans ces festins pantagruéliques, lâche brusquement sa bonde et gicle au grand soleil comme un cidre capiteux, cependant que binious et bombardes déchirent l’air pour annoncer chaque service et que le bazvalan et le breutaer, d’une table à l’autre, font assaut d’hyperboles et de compliments à double entente. Puis, les tréteaux enlevés, filles et garçons nouent leurs rondes sur l’aire neuve ; les brall-kamm succèdent aux passe-pieds, les jabadao aux monférines. Quel contraste avec la seconde journée des noces, qui s’ouvre par un service funèbre auquel, sous peine d’incivilité, doivent assister tous les convives de la veille ! Les morts ne sont jamais oubliés en Bretagne, Mais il y a une autre catégorie de malheureux pour qui le lendemain des noces est un jour de liesse sans égale : les pauvres, ces « hôtes de Dieu », comme les appelle une expression bretonne. Pareils à un volier de moineaux pillards, ils s’abattent sur la ferme des quatre aires du vent. Les reliefs du festin sont pour eux. Cérémonieusement ils s’attablent : la nouvelle mariée sert les femmes, le mari les hommes. On en compta jusqu’à quatre cents au mariage de Mab-ann-Argoat et de Mlle Jaffrennou. Dieu sait s’ils firent honneur au repas ! Mais où leur joie tînt du délire, rapporte M. Yves Berthou, c’est quand la jeune mariée, si joliment accorte en son hennin de dentelle et son devantier de soie violette, s’avança vers le plus loqueteux de la bande et l’entraîna aux sons du biniou. Mab-ann--
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