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dans une bassine, les garçons et les filles d’honneur, avec d’ironiques révérences, leur apportent la soupe blanche ; mais les cuillers sont percées ; les morceaux de pain font bloc, liés par un fil invisible. Le lait fuit de tous côtés, tandis qu’aux éclats de rire de l’assistance les mariés font leurs efforts pour en attraper quelques gouttes. De guerre lasse, ils laissent tomber la cuiller. C’est le moment que guettent les garçons et les filles d’honneur pour chanter la sône de la soupe au lait. Il y a plusieurs variantes de cette sône. Celle qu’on chante sur le littoral trégorrois est particulièrement grave et mélancolique. Je souhaiterais qu’elle fût recueillie. L’auteur anonyme de cette émouvante composition y a fait tenir tout le drame de la vie bretonne ; il ne flatte pas les nouveaux époux ; il leur peint le mariage sous des couleurs plutôt sévères : « Aimez-vous bien l’un l’autre, dit-il en terminant. Gardez l’un pour l’autre une étroite fidélité ; élevez vos enfants dans la crainte de Dieu. — Par ainsi, chrétiens, quand l’heure de la mort sonnera pour vous, votre séparation ne sera point éternelle, et Dieu vous donnera la joie de vous retrouver dans son paradis. »

La première journée des noces est terminée. Elle n’a été qu’une longue bombance. À table depuis l’angélus de midi, les convives ne se sont levés qu’au dernier coup de l’angélus du soir. Mais comment décrire ces banquets de Gamache ? Sur l’aire neuve, dans le courtil, dans les champs, des tentes sont dressées, vastes quelquefois à loger quinze cents convives. Ils étaient douze cents, l’autre semaine, au mariage d’un poète breton, Alfred Lajat, plus connu sous son nom bardique de