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plus sensible à l’oreille en dédoublant la période rythmique :

    
Caries li mâgn(e)s | ad Espaigne guastée,
Les caslels pris, | les citez violées.

(Chanson de Roland.)

Le vers de dix syllabes a été soumis plus tard à des coupes différentes[1] Mais nous ne nous occupons ici que des éléments primitifs de notre versification, et il nous suffit de constater l’apparition, avec le vers de dix syllabes, d’un nouveau procédé rythmique, la césure, qui consiste dans un repos marqué à l’intérieur du vers par une syllabe fortement accentuée. On retrouve naturellement la césure dans le vers de douze syllabes, lequel se rencontre pour la première fois dans le Voyage de Charlemagne à Jérusalem et à Constantinople (fin du XIe siècle) et doit son nom d’alexandrin au grand succès du Roman d’Alexandre (XIIe siècle) composé par Alexandre de Paris ou de Bernay[2]. La césure, dans ces poèmes primitifs, est toujours à la sixième syllabe :

        
Etdist li Emperér(e) | : « Gabez, bel niés Rollânz ! »

(Voy. de Charlemagne.)


Les vers de huit, dix et douze syllabes sont, comme on le voit, les plus anciens mètres employés par nos poètes. Ils sont seuls usités dans les chansons de geste.

  1. V. p. 91.
  2. Quelques savants voient dans ce vers une extension du vers de dix syllabes. Selon d’autres, il serait sorti d’un vers classique transformé par la substitution de l’accent tonique à la quantité ; c’est ainsi que M. L. Gautier le fait venir de l’asclépiade :

    Créscên | têm sequi | tûr 1| cûrâ pé | cûnï | am ;