Page:Le Goffic-Thieulin - Nouveau Traité de versification française, 1897.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serait malaisé, croyons-nous, de se prononcer définitivement pour son adoption. Mais, en somme, la question ici est d’importance secondaire ; et, que le vers français soit sorti directement de la versification latine accentuée en usage dans le peuple, ou de la versification latine classique modifiée par la substitution de l’accent tonique à la quantité, le fait qu’il importe de constater avant tout, c’est que, dès les premiers temps de la poésie française, nous nous trouvons en présence de vers d’un nombre fixe de syllabes dont une au moins, et parfois deux, sont régulièrement accentuées. Un rapide examen de nos plus anciens mètres le montrera aisément ; ce nous sera une occasion en même temps pour signaler un procédé rythmique dont nous n’avons pas encore parlé : la rime.


II


Le vers que l’on rencontre tout d’abord dans notre poésie primitive a huit syllabes ; c’est le mètre de la Vie de Saint-Léger, qui date du Xe siècle.

           
Ambes lèvres li fait taliér
Ane la langue que aut en quiév,
Corn si l’aut toi vituperét,
dist Evruïns, qui tant fut méls[1]

Dans ces vers, il n’y a pas de place régulière pour un accent intérieur ; mais la syllabe finale y est toujours accentuée. De plus, pour rendre le rythme plus sensible, la fin du vers est marquée par une assonance.

  1. Traduction : « Il lui fait couper les deux lèvres, de plus la langue qu’il avait dans la bouche. Quand il l’eut ainsi mutilé, Ébroïn, qui était si pervers, dit. »