Page:Le Goffic-Thieulin - Nouveau Traité de versification française, 1897.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nombre des syllabes de chaque pied y reste variable.

Mais ce procédé, qui est peut-être d’origine germanique (car il se retrouve dans tous les poèmes allemands du moyen âge), n’a pas été communément adopté par nos premiers poètes, et c’est plutôt au second système qu’on doit rattacher la formation du vers français. En effet, dans tous nos poèmes du xe siècle, comme dans les œuvres postérieures, le vers présente un nombre fixe de syllabes, dont la dernière est toujours accentuée ; l’accent tonique occupe même une place régulière et déterminée à l’intérieur du vers, si celui-ci offre une certaine étendue, comme le cas se présente pour le décasyllabe ou l’alexandrin :

Secores moi, | douce dame del ciel.

(Chanson de Raoul de Cambrai, XIIesiècle.)

Quant li cunte unt gabét, | si se sunt, endormit.

(Voyage de Charlemagne à Jérusalem, XIe siècle.)

2e Hypothèse : La versification française dériverait de la versification classique des latins. — C’est la seconde hypothèse proposée. Chacun sait que la versification classique des latins avait pour base la quantité, c’est-à-dire la valeur des syllabes, considérées comme brèves () et comme longues (-). Le vers se composait de pieds et chaque pied renfermait un nombre de syllabes de valeur déterminée. C’est ainsi que dans l’hexamètre dactylique, chaque pied, sauf à la fin, présente à volonté deux longues ou deux brèves :

Uná sa | lus vïc | lis nul| lâm spê [ rare sa | lûlëm.

Il est certain que cette versification est bien loin de la nôtre ; et d’ailleurs il est inadmissible que notre