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espèces : ceux qui sont corrects et ceux qui sont « croches », autrement dit en langage de chrétien les honnêtes gens et les autres. Il y a la horde de ceux qui attendent la vente forcée, il y a ceux qui ne veulent pas se découvrir, qui envoient des émissaires. Il s’agit toujours de puissantes entreprises qui, pour une raison ou une autre, ne tiennent pas à se faire connaître. C’est excitant. À l’heure de l’ouverture des bureaux, on vient sonner à l’appartement plongé dans la pleine nuit. Nanki aboie. Jeannine crie dans une direction : « Shut up ! » et dans l’autre : « Qui est là ? » Quand une gorge anglaise essaie de se délivrer de son nom : « Madame B., s’il vous plaît ? » comme si elle avalait du macaroni, Jeannine court après ses pantoufles que Nanki n’a pas su remettre ensemble, épingle ses nattes, entr’ouvre la porte. Pied dedans, pied dehors, le gentleman flaire un terrain dangereux. L’esprit des affaires l’emporte : il entre, se cogne à la table du téléphone, y dépose son chapeau, aperçoit Nanki soupçonneuse, qu’il flatte de la main. Il sait parler chiens. Des chiens on passe aux chevaux. Des chevaux aux affaires. Après tout, il a devant lui une petite femme très business et rien que business. — Jeannine prononce biziness et il trouve cela charmant. — Il s’échauffe, se met à son service. Il connaît des tas de gens down-town. Il va lui dénicher un acquéreur. Il