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marie le franc

dame Sans-Gêne, porte un uniforme de grenadier, elle préfère les petits cinémas de quartier, fourrés dans les endroits les plus inattendus, au fond de corridors tortueux, un en particulier qui est au-dessus d’un magasin où l’on vend de la pharmacie, des costumes de bain, des kodaks, du papier à lettres, des sodas, des glaces, des oranges. Elle est connue du personnel. La girl de la cage vitrée reconnaît sa voix au téléphone et la renseigne à l’avance sur le film du jour. Jeannine saisit le nom des acteurs. Cela suffit. Elle répète pesamment le titre anglais, d’une manière cocasse, ce qui permet à l’autre de singer son accent avec un clin d’œil à l’adresse du portier. Oh ! ces Frenchies !

Les petits cinémas économisent la lumière. On n’éclaire pas pendant les entr’actes. Le public n’est pas exigeant : les dames peuvent garder leurs chapeaux. L’orchestre est réduit à un piano peu bruyant, qu’on ne distingue pas d’un pianola. On retrouve généralement sa place pour laquelle on a l’air d’avoir un abonnement à l’année. S’il arrive que quelqu’un, du gradin en arrière, vous effleure les lombes de ses pieds posés au bord de votre fauteuil, ou vous gratte le cou de son pardessus roulé qu’il tient sur ses genoux, vous changez de place. Quelquefois, une grosse femme puise des chocolats mous dans un sac horriblement cra-