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visages de montréal

galop et tout cela est secoué sur le sable des allées. On est mieux sur une croupe de cheval que dans un fauteuil. On peut cracher loin quand il n’y a pas de promeneurs à pied. Les jours où le froid pique, on passe un doigt ganté sous le bout de son nez.

Tous ces hommes saluent Jeannine. La plupart mettent leur cheval au pas, un moment, à côté du sien. On peut dans la rue se retourner sur le passage de cette Parisienne trop blonde, trop belle, qui a du rouge aux lèvres, et la prendre pour une grue, une actrice, une femme de diplomate. Ici on la considère comme « a good fellow », qui monte crânement, qui a un piètre gentleman de mari, ne se plaint pas, s’intéresse aux embêtements d’autrui. Elle est, dans l’esprit des hommes, une fois pour toutes, classée : suivant l’expression de Théo, elle ne marche pas.


Elle adore le cinéma. Aux nouveaux théâtres immenses, lustrés, avec de gros cabochons précieux dans leur coupole, des escaliers de marbre, des tapis de Perse, des murs en or, des salons d’attente Louis-on-ne-sait-lequel, des ouvreuses qui ressemblent à des cadets de Kingston, avec le calot rond à mentonnière sur l’oreille, le stick à la main, l’air fripon, et en bas à l’entrée, immobile comme une affiche, un géant qui, depuis qu’on joua Ma-