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visages de montréal

Il y a dans sa voix une sollicitude agressive. Elle craint qu’il ne lui demande des œufs au bacon et l’odeur de cuisine lui soulève le cœur à cette heure matinale.

— Non, j’ai rendez-vous à midi avec Di Pierro. Ça y est, cette fois !

La voici intéressée. Elle se soulève sur son coude. Ah ! Di Pierro. Depuis le temps que Théo lui raconte ses pourparlers avec Di Pierro, Macaronis et Fromages. Il s’agit d’une grosse police d’assurance. Mais elle connaît son Théo.

— Vous êtes sûr qu’il va marcher ?

— Si j’en suis sûr ! Tout est prêt. Il n’y a plus qu’à signer.

Il va chercher dans le vestibule l’étroite serviette noire, fermée d’une bande de caoutchouc, qu’il a laissée sur la table du téléphone, une serviette qui se dissimule sous le bras et que vous ne découvrez qu’une fois que ce visiteur inconnu, carré dans votre fauteuil, est en train de vous convaincre des avantages de l’assurance-vie. Il jette sa cigarette, déplie des papiers craquants, épais et lisses, à l’en-tête de la Mutual. Entre les lignes imprimées, il y a des blancs où sont inscrits des chiffres à la machine à écrire, l’un en chef de file, suivi de beaucoup de zéros posés debout, ainsi que des œufs qui tiendraient sur la pointe. Il lit le contrat avec cet accent français qui étire jusqu’au