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marie le franc

Elle étouffe un bâillement.

— Vous êtes aussi embêtant que « All Right » qui vient de me faire lever, et à cause de vos sales papiers encore ! Vous pouviez bien me laisser dormir !

Elle ne dit pas cela d’un air fâché. Elle le dit du ton de quelqu’un qu’on réveille exprès, par taquinerie.

— Mes cigarettes sont prêtes ?

— Soixante. Vous en aurez assez pour aujourd’hui ?

— Et ma laundry ?

— Et ma galette ?… Fallait en laisser pour le blanchisseur, Théo !

Pour éviter de se mettre en colère, Théo passe dans la chambre à côté, son ancienne chambre, sa chambre encore si l’on veut, où il vient quelquefois l’après-midi faire un somme après le lunch, s’il se trouve dans le quartier.

Il garnit son étui d’argent qui porte ses initiales, allume une cigarette, se regarde en passant dans la glace du chiffonnier, remonte son pantalon à la ceinture, boutonne son veston cintré, redresse d’un coup nerveux les épaules et retourne dans la chambre de sa femme. Il s’assoit à califourchon sur une chaise, à une certaine distance, face au lit.

— Vous voulez quelque chose ?… Vous n’avez pas déjeuné ?…