Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/75

Cette page a été validée par deux contributeurs.
75
visages de montréal

plus de place sur le trottoir, à cause de leurs pardessus qu’ils ne boutonnent pas et dont ils laissent pendre la ceinture des deux côtés, comme pour montrer qu’ils ont cessé d’être tenus en lisière. Tout le monde sait que les étudiants ne trouvent de voix que le soir. Alors ils déchirent de leur cri la gorge étroite du Crescent : « Rah ! Rah ! Rah ! »

Après ce « Keep quiet » vigoureux, le facteur a murmuré d’un ton conciliant : « All right ! All right ! » tamponné son livre d’un buvard-réclame, sur lequel se détache en gros le numéro de téléphone du savetier du coin, remonté la courroie de son sac sur son épaule, et avant de partir, pour montrer qu’il n’a pas de rancune, donné une caresse à Nanki. Jeannine en souriant l’a suivi pour refermer la porte.


Elle se remettrait à dormir, car il est à peine onze heures, mais elle a reconnu au bord du trottoir, à côté du caisson rouge de la Royal Mail, la MacLaughlin de son mari. Décidément, elle n’aura pas la paix, ce matin ! Elle ne se dérange pas pour lui ouvrir. Il a son passe. Elle se remet au lit. Nanki se recouche sur son divan. Voici Théo. Il fume. Avant d’entrer dans la chambre de sa femme, il va jeter sa cigarette dans la salle de bain.

— Qu’est-ce qui vous amène à l’aurore ?

— Rien de particulier. Je passais dans la rue.