Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/67

Cette page a été validée par deux contributeurs.
67
visages de montréal

tune avec l’indifférence qui convient à un scion de sang royal.

« Chaque matin, vers les dix heures, — l’heure à laquelle l’Européen fait son tour de promenade à pied, dans Bond street, s’il est en Angleterre, au Bois de Boulogne, si le ciel de France se courbe au-dessus de lui, — les habitants du quartier ont pu suivre de l’œil son immense et décidément distinguée silhouette, correctement vêtue de pantalons gris, jaquette, canne et gants, qui descendait le perron de pierre plébéien de la maison.

« Le monde semble lui appartenir. Il y a quelques années, le monde, figurativement parlant, lui appartenait. Mais cela se passait avant la Chute, avant que le rouleau russe ne refusât de rouler plus loin, avant que ne fût écrasé l’allié jadis puissant de la Grande-Bretagne.

« Sur la boîte à lettres de cuivre du vestibule portant le numéro de son appartement, on voit une carte de visite, qui ressemble aux autres cartes de visite rangées sur la douzaine de boîtes à lettres semblables. Mais celle-ci porte un nom qui surprend le visiteur : Prince Stépanovski.

« Le prince et sa cousine, la Marquise du Tracy, dont le titre date de l’époque où la maison des Louis régnait sur la France, sont deux vic-