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visages de montréal

dix ans le cours Mme de Staël, à Nice, que fréquentait la fleur de l’aristocratie. La persécution était devenue si odieuse, en Amérique, qu’ils avaient dû quitter la ville, ce qui ne déplut pas au prince, qui commençait à s’ennuyer à regarder de la fenêtre, pendant les longues heures où elle était à l’Institut, la baie étincelante de San-Francisco.

Stépanovski représentait à présent au Canada des intérêts énormes, ce qui n’était pas fait pour désarmer les haines.

Les paroles de la cousine donnaient le vertige. Le prince ne prononça qu’un mot qu’il ponctua de sa canne, sans regarder personne :

— Évidemment.


La cousine était venue seule aujourd’hui chez Mlle Lucienne. Elle avait relevé sa voilette en turban sur son front. Elle pleurait. Elle entra sans préambule dans d’étranges confidences : Il venait de la frapper parce qu’elle avait été, le matin, retenir leur passage sur l’Empress, en troisième classe. Il était inconcevable qu’un Stépanovsky retournât en France comme passager de steerage ! —

— Il doit bien savoir pourtant, disait-elle, que je ne puis faire autrement. Nous en sommes à nos derniers dollars, par sa faute. Il m’a fait traverser toute l’Amérique. Il n’est jamais content nulle part : au bout de six mois il faut aller ailleurs. Je