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marie le franc

venaient de passer l’été en France et citaient le nom du petit port de Locquemaria où ils avaient séjourné :

— J’ai connu à Paris un commis-libraire qui avait été coiffeur à Locquemaria. Il s’appelait Lesquel.

Un silence suivit cette déclaration. Car elle était vraie ! Il y avait eu en effet à Locquemaria un coiffeur du nom de Lesquel. Les deux Bretons ne disaient plus rien, occupés à se débattre entre ce magicien noir Stépanovski et ce coiffeur de village qu’ils situaient dans sa boutique à devanture verte portant un écriteau : « Chambre meublée à louer » et au-dessous, en petites lettres : « On rase le samedi ». Le reste de la semaine, le barbier était tonnelier. À présent, commis de librairie à Paris !

Ils se demandaient si tout cela était bien réel, s’ils n’avaient pas rêvé leur propre aventure au Canada, s’ils n’allaient pas se réveiller dans leur chambre blanchie à la chaux de la rue du Poulmenar’ch, à Locquemaria…

Le prince disait aussi, en apprenant la nomination d’un consul :

— Un tel ! Nous étions ensemble au ministère.

Et il est probable qu’à sa réception d’arrivée, le nouveau venu reconnaîtrait avec un sursaut de surprise la silhouette de six pieds quatre pouces,