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marie le franc

Au bout du mois, il y eut un beau chèque bleu signé Hilda Svenningson, qu’elle alla toucher à la Royal Bank of Canada. Elle introduisit les billets neufs dans son sac de satin dont le fermoir claqua joyeusement.


Elle cherchait pour le prince des répétitions. C’était paraît-il un savant. Il était docteur de ceci et de cela. Il eût pu suppléer, au pied levé, un professeur à l’Université, écrire des éditoriaux pour les journaux, donner des conférences à l’Alliance française, préparer les discours des candidats aux élections. De Russie, il écrivait avant la guerre des articles de politique étrangère pour la Revue des Deux Mondes. — Sous son nom ? demandait-on. — Parfaitement ! — On faisait : « Ah ! » en cherchant un moment dans la mémoire.

Il était compréhensible que dans sa situation il ne pût se mettre en quête de travail comme un besogneux. C’était elle qui s’en chargeait. Elle prenait des rendez-vous auxquels il se rendait, mais qui n’aboutissaient à rien : les offres qu’on lui faisait étaient au-dessous de lui. Ils vivaient sur le chèque bleu de la Royal Bank et ses économies de San-Francisco. Elle y avait enseigné trois ans, à l’Institut des Actualités, où l’on dispense aux femmes du monde qui n’ont pas le temps de