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depuis longtemps d’une tasse de chocolat et de gâteaux au gingembre.


Elle trouva une première leçon. Il s’agissait d’accompagner deux enfants, le frère et la sœur, en promenade l’après-midi, en leur parlant français. Le moment le plus dur était celui où la femme de chambre venait lui ouvrir la porte et ne répondait à son rire aimable que par un regard étonné, comme si elle eût ri, aussi, en langue étrangère, l’introduisait dans le vestibule en tenant ses yeux sur les empreintes que ses snow-boots laissaient après elle sur le tapis.

Ses deux robustes anglo-saxons d’élèves ne craignaient pas le froid. Ils s’élançaient dehors avec des cris qui brisaient la pellicule de l’air givré. Les jours où le vent piquait dur, et qu’ils allaient glisser sur la montagne, la nurse barbouillait leur visage de cold-cream. Ils saisissaient chacun leur nouvelle gouvernante par un bras et aux coups de rafale, cachaient leur petit nez pommadé dans le manteau de satin. Un fox joueur accompagnait l’expédition. En montant la colline, elle avait l’impression de traîner les enfants, le toboggan, le chien et la colline même. Le garçon se couchait le premier sur la planche matelassée, la tête inclinée de côté vers la neige, dans un geste caressant, puis, par-dessus, la fillette qui plus délurée gardait ses yeux ouverts, enfin Mademoiselle dont le man-