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marie le franc

être se sentait-il exclu de notre trinité. La route n’avait pas lié ses veines aux nôtres. J’eusse dû par l’âge me rapprocher de lui, mais je demeurais fidèle au pacte conclu sur le seuil de Widgeon avec les deux autres qui m’accordaient le parrainage de leur jeunesse, quand tout l’inconnu nous soufflait son haleine excitante à la face. Au lieu de les séparer, je les unissais. Ils découvraient des images nouvelles d’eux-mêmes. Au fond de leur cœur, ils saluaient en moi l’entraîneuse. Nous continuions à courir vers les ardentes découvertes. Rien n’avait baissé dans leur chaude humeur parce qu’ils savaient la mienne irréductible. Sans cesse des visions nouvelles se levaient qui fauchaient les précédentes et mettaient un grain de sel sur notre état d’écorchés de la sensation.

Le maître nous dominait, d’une certaine manière. Il nous promenait devant une galerie de tableaux qui lui avaient été de tous temps familiers, ceux d’être de sa race, issus de Blue Sea, le lac au sang bleu.

Un silence pesait sur nous, mais le nôtre venait d’un enchantement presque trop lourd à porter, auquel chaque minute ajoutait sa charge. Cavelier et moi, nous tenions des grands rapaces qui digéraient leur proie. Saint-Loup goûtait la joie d’offrir, non de prendre. Il était en harmonie parfaite avec Blue Sea, comme s’ils se fussent