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marie le franc

tenais là une certitude, en attendant que la lumière se fît. On m’eût annoncé qu’elle avait une maladie de la moelle épinière que je n’en aurais pas été davantage frappée.

Il avait été décidé avec son mari qu’elle ne retournerait pas en Angleterre avant quelques mois. Londres lui étant défendu, il était logique d’essayer de l’hiver canadien. Les médecins le conseillaient fortement. Il me semblait qu’elle allait retrouver équilibre et santé dans l’air natal et que tous ceux qui avaient formé autour d’Annabel enfant un cercle amical l’y aideraient.

Il restait à trouver une installation qui lui convînt. Et c’est en ceci qu’Annabel se montrait incapable de faire un choix. Elle m’accueillait de son éternel « Qu’est-ce-que-je-vais-faire ? » sur lequel se brisait sa voix. Tantôt elle décidait de prolonger son séjour à l’hôpital et de se soumettre à une cure sérieuse ; tantôt elle parlait de partir pour sa propriété des Rocheuses demeurée inhabitée depuis la mort de sa mère. L’automne y était d’une splendeur unique avant l’apparition des neiges. Les Rocheuses l’avaient jadis nourrie de leur limpide solitude. Elle avait des larmes aux yeux à la pensée d’arriver encore une fois, à la lueur des étoiles, à la petite maison de la vallée et de voir s’encadrer dans la porte la ronde face ahurie du vieux Lee… Ou bien elle hésitait