Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.
220
marie le franc

laissée en paix. Sa voix avait perdu sa pathétique fébrilité, mais on distinguait mal son visage dans l’éclairage de la lampe de chevet à l’abat-jour abaissé. Depuis l’apparition d’Annabel à Montréal, il semblait que la lumière que cette ville déverse généralement à torrents prodigues se fût brouillée, comme si la source en était près de tarir, et les chambres où elle m’appelait pour la voir, si luxueuses qu’elles fussent, souffraient de quelque chose.

Elle me dit au revoir d’une voix plus claire, mais j’emportai, hors de cette chambre, la même vision confuse d’Annabel, traînant après moi l’aura de malaise qui se dégageait de sa personne.


Après tout, nous parlâmes des Rocheuses. Elles allaient peut-être m’aider à comprendre Annabel. Cela me ramenait à bien des années en arrière, à l’époque où je réunis tout ce que je possédais de dollars pour aller à la découverte de l’Ouest canadien, puisque l’est ne m’avait rien offert que de banal.

Je m’arrêtai à Banff, et pris un vieux petit vapeur chauffé au bois qui descendait la Rivière Columbia et devait me rapprocher du camp des Y. W. C. A. situé en pleines montagnes, auquel, à cause de ses exigences modiques, je m’étais fait inscrire pour deux semaines de séjour.