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marie le franc

montante qui aboutissait aux tours médiévales du Victoria, des feuilles d’érables glissaient en essayant de se rattacher aux pavés par leurs pointes recroquevillées. Les eaux sombres du petit lac tapi dans le roc au pied du Mont-Royal se pressaient les unes contre les autres et se nichaient comme des choses vivantes dans les anfractuosités les plus protégées de la rive ; et de longues branches de bouleaux pleureurs se courbaient vers elles de toute leur volonté, essayant de les caresser avec les doigts dépliés de leurs feuilles.

La grille du Pavillon Ross était ouverte et j’entrai, guidée par l’ombre des buissons de « couronnes de la mariée » qui bordaient le chemin.

Annabel était au lit, appuyée à deux oreillers, et une jolie fille en coquet uniforme blanc, assise sur une chaise basse, lui faisait la lecture. Il y avait toujours eu des livres autour d’Annabel, mais depuis près d’une année sa vue était si mauvaise qu’il lui était à peu près impossible de lire.

La garde quitta la chambre après avoir enlevé pour la nuit les vases de cristal remplis de roses somptueuses, alignés sur la commode dans un ordre si rigide que la malade ne pouvait oublier le lieu où elle se trouvait.

Il y avait sur la petite table près du lit les portraits d’un homme et d’un petit garçon dans deux cadres jumeaux.