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naissait. Chacune s’intéressait donc au sort d’Annabel, et la commisération qu’il était de bon ton dans leur monde d’éprouver pour le malheur en général s’était localisée sur sa tête. « Pauvre Annabel ! » servait de conclusion à leurs conversations.


Le lendemain de notre rencontre au Ritz, un pas masculin et vif monta mon escalier. Un homme qui répondait à ce pas par l’élancement de sa taille, sa tournure militaire, la décision de sa brune figure aux tempes serrées, éclairée par des yeux gris au regard direct, se présenta : Mr Kentfield. Il faisait une tournée de visites aux anciens familiers d’Annabel et de ses parents. Il ne resterait que quelques minutes, car il avait nombre de personnes à voir et il s’embarquait dans quelques jours. Il était possible qu’il revînt prochainement au Canada, où sa firme projetait de créer une usine.

Allan W. Kentfield était décidément sympathique. Il me fit l’effet de réunir en sa personne le type de l’officier, du gentleman et de l’homme d’affaires, avec prédominance de ce dernier. Assis avec aisance dans son fauteuil d’osier, rien ne faisait soupçonner qu’il n’avait à disposer que de quelques minutes. Son intention était d’en tirer tout le parti possible afin de ne point laisser l’im-