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visages de montréal

Nous prîmes dans la valise un porte-papiers de cuir fin et revînmes dans le salon couleur de pluie pour y examiner les photos. La serviette contenait aussi un album de feuillets tapés à la machine.

— Ce sont les vers de Stephen, dit Annabel. Ils ont été publiés dans le journal de son collège. Le principal les trouve remarquables.

Je me rappelai que c’était une tradition de famille chez les Randolph d’être poètes. Annabel elle-même avait connu à l’âge que devait avoir Stephen une espèce de célébrité et son père avait fait faire de ses poèmes une petite édition de luxe qu’il distribua discrètement parmi leurs amis.

— Et vous, Annabel, qu’avez-vous fait toutes ces années ?

Elle secoua la tête.

— Oh ! moi… La poésie me semble aussi lointaine que les Rocheuses au milieu desquelles j’écrivais mes premiers vers. Vous vous rappelez ?

Si je me rappelais !… Mais le moment n’était pas venu de se laisser dominer par les Rocheuses et emporter par le torrent de nos souvenirs… Heureusement qu’elle avait repris :

— J’écris encore de temps en temps. Le Times, qui ne publie jamais de vers, a fait paraître en première page, au dernier anniversaire de l’armistice, un grand poème de moi, écrit après une visite du cimetière d’Ypres. Mais tout cela n’est