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visages de montréal

Elle fut contente de se livrer à nous, de sentir son plancher plier sous nos pas, et pendant que notre hôte cherchait la théière dans un vieux bahut, et que le poète, assis sur un cadre de lit, regardait fixement sans les voir la paire de godillots qu’il avait déposés à terre devant lui, Elfie et moi grimpions vers ce que la petite maison canadienne appelait fièrement le comble, les bras remplis de nos pack-sacks d’excursionnistes. Elfie abandonnait sa robe verte pour enfiler des culottes de coureur des bois, des bas de laine et des bottes de ski, à la hâte, dans l’ordre où Widgeon les avait tirés pour elle de son coffre, sans se préoccuper de leur endroit ou de leur envers, de leur forme ou de leur couleur. La femme disparaissait de plus en plus pour ne laisser place qu’à Elfie. Le détail ne comptait plus. L’essentiel était de faire vite pour répondre à la forêt qui bramait d’impatience autour de nous. Elfie descendait l’escalier en rabattant de la main ses cheveux lisses et clapotant à chaque marche dans ses souliers mal lacés. Son petit visage d’ondine couronnant son accoutrement de garçon avait la grâce délicate de la fleur-du-spectre qui éclaire de sa pâleur translucide le sous-bois des forêts du nord.

Nous nous mîmes en marche. Saint-Loup le maître allait devant.