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sert. Puis elle ouvrit un nouveau flacon, fit glisser dans sa belle main de larges tablettes d’un gris foncé, en compta quatre qu’elle avala en toussant, après quoi elle but un nouveau verre d’eau.

— Eh bien ? fit-elle en me regardant de côté, avec un léger défi dans sa voix et quelque chose de l’ironie ancienne.

Comme je ne répondais pas, elle ajouta :

— C’est la seule chose qui me fasse dormir.

Le téléphone sonna, et quand elle se leva pour y répondre, je vis que ses épaules, qu’elle avait presque anormalement développées, s’étaient voûtées et que ses hanches étroites en comparaison paraissaient encore plus fuselées.

Elle portait une robe élégante mais sombre, dont le tissu légèrement fripé trahissait qu’Annabel passait ses journées allongée, de divan en divan, et était peut-être moins prise qu’autrefois des robes de mille-et-une nuits. Elle vit mon regard attaché à cette robe :

— C’est une amie qui me l’a choisie à Londres. Je ne l’ai même pas essayée. Je ne puis plus supporter les magasins !

Je reconnus l’épingle de brillants qui fermait le col.

J’aiguillai la conversation sur son mari, son fils, sa maison de Londres.

— Allan ? Il est vraiment très gentil, vous savez.