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marie le franc

— Vous !… Je vous croyais en France !

— Et moi, je vous croyais à Londres !

— Comment avez-vous appris ?

— Je viens d’ouvrir le Star.

— Où êtes-vous ? Je veux vous voir ! Venez !

— Venez, vous, Annabel ! Je suis à quelques minutes du Ritz. Mon ancienne rue : McGill College.

Après tout, j’avais connu Annabel presque enfant. Il était naturel que ce fussent ses pas, qui devaient avoir encore quelque chose de l’enfance, qui vinssent à moi. Autrefois, il lui plaisait de s’égarer dans mon quartier, avec la curiosité qu’ont les Anglais pour le bric-à-brac, et de flairer l’odeur forte des échoppes, de s’emplir l’œil de leurs bariolages où le rouge et le vert dominaient, de passer entre les pensions de famille grisonnantes où logeaient des étudiants imberbes, et au printemps d’éclabousser ses guêtres dans les flaques de neige boueuse couvrant le trottoir.

J’entendais l’épaisse pluie couler des lattes du toit sur la terrasse goudronnée au-dessous de ma fenêtre, et la distance entre l’avenue McGill et le Ritz augmenta. Comment se risquer dehors par ce déluge ? J’eus l’impression désagréable que je n’étais ici que de passage puisque j’avais laissé mon imperméable en France.

— Je vous attends, Annabel !