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marie le franc

à des goûts d’homme des bois sous ceux de l’homme des villes que ses fonctions le forçaient d’être la plus grande partie de l’année. Il accomplissait là-dedans les besognes qui entretiennent la vie aussi simplement qu’un pêcheur qui se nourrit de sa pêche vide son poisson.

Sitôt arrivé, ce n’étaient pas seulement des habits spéciaux qu’il revêtait, la carapace basanée de l’animal des forêts, mais la petite maison toute entière qu’il semblait porter sur son dos et traîner après lui, pour la trouver au lieu et à l’heure où son corps avait besoin de sommeil et de mets préparés sur le poêle « colon », dans l’antre de la cuisine.

Il n’en avait pas honte. Il l’aimait ainsi, sachant qu’un garde-feu en eût à peine voulu, affaissée sur une hanche, enflée aux genoux, un cerne noir autour des vitres, et des taches de vieillesse sur sa face. Petite, mais voulant demeurer telle, ayant fait son temps et sa besogne, satisfaite encore d’ouvrir sa fenêtre au coin du bois, consciente de son pedigree, ainsi que son maître du sien, et ne voulant plus servir que de distraction à un gentleman. On lui avait défriché un peu de terrain tout autour pour qu’elle respirât et épargné à son intention près de la porte deux grands bouleaux qu’elle eût pu prendre pour ses petits-fils.