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marie le franc

libre à votre massive personne, une foule. Non que vous en prissiez la vulgarité. Je ne sais ce qui vous protège et vous isole. Vous apportez à courir le monde un acharnement qui est une maladie, et je vous vois formant au milieu de sa masse grouillante une tache claire, immobile. Vous ne dissipez que les bords de vous : le fond se garde. Ce n’est qu’une corolle d’homme mûr qui se fripe. Il y a quelque chose en vous sur quoi rien n’a de prise. On dirait que votre peau lisse et dure vous recouvre aussi bien l’âme que le visage. Vous êtes à tous points de vue l’homme de santé magnifique. Vous nagez avec facilité dans toutes les eaux, et ces exercices d’haltères que vous faites chaque matin, à côté d’une fenêtre ouverte aux frimas, je crois que c’est votre résistance morale que vous entretenez par eux. Il y a une telle science dans votre façon de les brandir, une telle persévérance, une telle furie parfois, à droite, à gauche, au-dessus de votre tête, autour de votre ceinture. Que de basses petites plaisanteries disloquées, que de pattes sournoises écrasées, que de polichinelles écartés ! Bravo !

N’est-il pas temps de rentrer chez soi, de rompre ce qui s’enlace autour de nos jambes et de nos épaules, autour de nos visages épanouis jusqu’à l’amollissement : fumées, vapeurs lascives des regards et des bouches, relents des cœurs repus, ai-