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planche d’anatomie. Elles sont aussi bien habillées que vous. Elles cherchent, sitôt dans mon appartement, le cendrier. Elle refusent le fauteuil : il leur faut pour leurs longues jambes cette haute chaise droite. Elles me taquinent quelquefois, elles me prennent par les épaules, elles ébauchent une caresse brusque et maladroite, elles se cachent toutes chaudes dans mon cou. Elle ont votre souffle.

Il arrive qu’elles soient proférées en public, ce public brillant et cosmopolite que vous aimez, le seul que vous connaissiez, celui qui est d’un autre sang que moi, mais dont je paraissais complice les soirs où vous m’y entraîniez. Je descendais de ma tour. Je me trouvais dans un courant dont les eaux étaient mises en mouvement par des puissantes dynamos appelées argent, vanité, duperies, mais à la surface desquelles roulait l’écume des politesses mondaines. Il fallait admettre que vous étiez là chez vous. Je vous voyais vous détendre. Votre face prenait un épanouissement qu’elle n’avait pas quand vous étiez chez moi, assis sur la haute chaise droite de votre choix, écoutant le tic tac de votre montre. Vous n’aviez plus en ces lieux de contrainte. Vous posiez sur moi un regard d’intimité heureuse. Rien ne vous serrait la gorge. Des voix autour de la vôtre vous rassuraient. Vos confidences se frayaient un chemin parmi les propos étrangers. Il vous fallait, pour faire équi-