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marie le franc

de vous mon mouvement de va-et-vient. Je poursuis l’enquête avec la même persistance. Rien n’use la vague. Elle conserve sa silencieuse patience, son ressort protégé par sa profondeur, un rythme qui lui est propre. Il n’y a pas à désespérer : elle se prépare à revenir quand on la croit partie pour toujours.

Ces rapports nous satisfont. Nous eussions été mal à l’aise dans l’amour. Nos séparations et nos rencontres se font comme si elles dépendaient de la fatalité, et il y a entre nous des atomes qui se repoussent autant qu’ils s’attirent. Rien ne s’affaiblit dans nos sentiments. Chaque jour durcit le souvenir d’acier. Chaque jour nous butons l’un contre l’autre. Je vous accueille avec la curiosité que l’on met à ouvrir sa porte à un inconnu. J’ignore ce que vous allez dire. Vos paroles seront toujours neuves. Les nouvelles que vous m’apportez viennent d’un monde étranger qui est vous. Nous demeurons l’un et l’autre intacts : ce que nous nous prêtons n’est que pour une heure. Ensuite chacun retourne à sa solitude.

Vous me manquez peu. Quoique présent dans mon esprit, ayant élu votre place en arrière de je ne sais quoi, qui est sans doute ce formidable vous-même, vous défendant et argumentant, en réalité vous êtes loin, et l’éloignement est un baume. Nous ne devenons irritables l’un pour