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marie le franc

couple de danseurs. La femme en robe verte était une Bacchante dont le dos rose étalait jusqu’à la taille sa coulée magnifique. Elle dansait avec le bras en corbeille au-dessus de la tête et au lieu de piétiner sur place comme le voulait à ce moment la mode, fendait la foule d’un mouvement à la fois hardi et harmonieux, entraînant son partenaire aux tempes grises. Il vint un moment où le projecteur s’amusa à la suivre dans la demi-obscurité de l’immense hall. Je reconnus la danseuse héroïque. Je savais qu’elle ne montrait aux réunions de femmes qu’une lourdeur maussade. Le plaisir la transformait, et il n’y avait pas que vous à attacher le regard sur la courbe de son bras, l’ondoiement de sa robe et la passion de mouvement et de liberté que révélait son corps. Vous avez dit avec une nostalgie dans la voix : « Ah ! danser ainsi ! » Ce qui vous attirait était moins la bacchante elle-même que la témérité de sa danse. Votre esprit à vous avait pour les évolutions illimitées le même goût. Vous reconnaissiez, dans sa manière de fouler le sol, votre pas.


Vous avez réussi à vous dérober malgré mes efforts. Je n’ai pu découvrir votre personnalité. Et je crois bien que je demeure aussi indéchiffrable à vos yeux. Curieux destin qui nous refusa de nous