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marie le franc

inconnue, le pouvoir de fermer votre cœur comme un appartement, ou de terminer une entente spirituelle ainsi qu’un bail. Comme c’est simple ! Quelle griserie sous votre froideur, quelle surexcitation sous votre calme vous tirez de pareille aventure. Le train ou le bateau n’attendent pas, votre valise est faite. Vous n’emportez que l’indispensable. Vous retenez les papiers d’affaires et brûlez les lettres intimes. Vous ne laissez point de vieilles dettes derrière vous. Il n’y a pas de malentendu possible : il est clair que vous partez, que rien ne saurait vous retenir, qu’il serait déplacé et surtout inutile de protester ou de vous en vouloir. Vous excellez à placer les gens devant le fait accompli. Il est de toute évidence que votre intérêt, votre paix d’esprit, on dirait presque votre appétit pour le boire et le manger quotidiens sont de l’autre côté de la mer. Chaque minute du temps qui vous reste a son objet. Ce temps diminue, ce temps s’affaiblit : vous consultez votre montre comme si vous tâtiez un pouls. On choisirait mal son heure de vous demander des comptes au moment où le concierge se présente pour les clés. Vous pressez les préparatifs de départ en homme qui sait le prix du temps, mais non comme celui qui entreprend une première traversée, qui perd la tête, boucle trop tôt ses malles, oublie son passeport, mais songe au mothersill. Vous faites tout